Leader charismatique pour les uns, pantin du régime pour les autres, Maurice Kamto cultive une ambiguïté déroutante. Alors que la présidentielle d’octobre 2025 se profile, ses revirements stratégiques, ses alliances suspectes et son discours à géométrie variable alimentent les interrogations : pour qui roule vraiment le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) ?
Un boycott qui arrangeait qui ?
En février 2020, à quelques jours de la clôture des dépôts de candidatures, Maurice Kamto annonce le boycott des législatives et municipales. Une décision présentée comme un acte de résistance contre un « système électoral verrouillé ». Pourtant, des voix discordantes s’élèvent au sein même du MRC.
« Kamto a attendu la dernière minute pour déclarer le boycott, empêchant ainsi les petits partis, qui redoutaient la force du MRC, de présenter des candidats. Résultat : le RDPC [parti au pouvoir] a raflé toutes les mairies et sièges à l’Assemblée sans opposition sérieuse », dénonce un acteur politique camerounais.
Pour certains observateurs, ce timing suspect n’était pas un hasard. « Ce boycott était un deal savamment négocié avec Yaoundé. Pendant que le régime consolidait son hégémonie, Kamto jouait les tribuns en appelant à la mobilisation… pour mieux endormir les Camerounais », accuse-t-il.
Aujourd’hui, alors que le MRC, absent des institutions locales, peine à prouver sa capacité à opérer le moindre changement, cette stratégie apparaît comme un coup d’épée dans l’eau… ou un calcul égoïste et machiavélique.
Présidentielle 2025 : Le grand retour… sur fond de contradictions
Kamto, qui avait justifié le boycott de 2020 par le refus d’élections « tronquées », annonce aujourd’hui vouloir briguer la présidentielle. Problème : les conditions qu’il dénonçait, à commencer par la réforme du code électoral, n’ont pas changé.
« Comment justifier de participer à une élection organisée sous les mêmes règles que celles qu’on a dénoncées ? C’est soit de l’incohérence, soit de la duplicité », analyse un politologue camerounais.
Pour ses détracteurs, cette volte-face trahit une entente secrète avec le pouvoir. « Kamto est un alibi. Son retour dans le jeu électoral donne une illusion de pluralisme, alors que tout est verrouillé. Le régime a besoin d’une opposition « présentable » pour satisfaire ses partenaires internationaux », affirme un diplomate occidental en poste à Yaoundé.
Paris : Le show de la résistance… et les non-dits
Lors de son récent meeting parisien, Kamto, a une nouvelle fois enflammé la diaspora, promettant « d’en finir avec le système Biya ». Pourtant, derrière les slogans, les zones d’ombre persistent.
« Il parle de lutte, mais ses anciens alliés, se sont éclipsés. Pourquoi ce silence ? », interroge un cadre du Social Democratic Front (SDF).
Surtout, son refus de s’allier avec d’autres forces oppositionnelles comme Cabral Libii, alimente les spéculations. « Un vrai leader du changement chercherait l’union. Lui, il isole le MRC, comme s’il voulait éviter une dynamique trop puissante qui dérangerait Yaoundé », glisse un militant déçu.
Kamto, martyr ou marionnette ?
Entre meetings survoltés et silences troublants, Maurice Kamto semble jouer sur deux tableaux : héros de la résistance pour la rue, partenaire toléré par le régime.
« Il couche avec le pouvoir tout en jouant les révolutionnaires. C’est un équilibre dangereux », résume un journaliste indépendant.
À quelques mois de la présidentielle, la question reste entière : Kamto est-il l’homme du changement… ou un pion dans un jeu plus grand que lui ?