Alors que l’élection présidentielle camerounaise d’octobre 2025 se profile à l’horizon, les débats juridiques et politiques autour de l’éligibilité du professeur Maurice Kamto, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), prennent une tournure passionnée. Dans un contexte où Paul Biya, 93 ans, après 43 ans au pouvoir, pourrait briguer un nouveau mandat, la question de la recevabilité de la candidature de Kamto divise juristes, politiques et opinion publique.
Le MRC et l’épineuse question du mandat impératif
Le débat a été relancé par l’adhésion récente d’élus du Social Democratic Front (SDF) au MRC. Ces transfuges pourraient-ils, en vertu du mandat impératif, permettre au MRC d’investir Kamto ? La controverse repose sur une déclaration du leader du MRC lui-même, qui affirmait en fin 2019 : « Le MRC est pleinement conscient que, faute pour lui de prendre part aux élections législatives et municipales à venir, il ne pourra pas, dans les conditions actuelles de la loi électorale, présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2025. » Cette déclaration, souvent rappelée par ses détracteurs, semble aujourd’hui peser lourd dans l’équation électorale.
Deux camps s’affrontent : Juristes contre partisans
D’un côté, des voix comme celle du Pr Jean-Claude Calvin Abah Oyono, estiment que « l’illégalité de Kamto est un argument fallacieux », suggérant une manœuvre du régime pour écarter un adversaire redouté. À l’inverse, Dr Landry Toukam, Président de la Section OJRDPC Menoua Centre I, rappelle que « le mandat impératif protège l’élu et son mandat », invalidant selon lui la stratégie du MRC. Pr Louison Essomba, abonde dans ce sens : « Avoir des transfuges ne confère pas l’éligibilité présidentielle. »
Pourtant, Pr Moïse Timtchueng défend une thèse opposée : « Le MRC avait déjà le pouvoir d’investir Kamto avant ces arrivées. Une analyse juridique rigoureuse le confirme. »
Grégoire Owona vs Jean Michel Nintcheu : Escalade verbale
La sortie musclée du ministre Grégoire Owona, Secrétaire Général du Comité Centrale du (RDPC) a enflammé les réseaux sociaux : « Kamto sait que sa candidature pourrait être rejetée malgré les défections du SDF. Les Camerounais ne descendront pas dans la rue pour une candidature irrecevable. »
Une déclaration perçue comme une provocation par l’Hon. Jean Michel Nintcheu, (allié du MRC), qui rétorque : « Le peuple ne se fera pas voler sa souveraineté. » Un avertissement qui sonne comme un appel latent à la mobilisation.
Georges Dougueli : Un regard critique sur un débat polarisé
Le journaliste Georges Dougueli offre une analyse plus nuancée, déplorant un « débat aux allures d’escarmouches d’avant-guerre », dominé par « les extrémistes des deux bords ». Il souligne le risque d’un affrontement entre « légalité et légitimité », où « la justice ou la force tranchera ».
Dougueli rappelle surtout que « l’État de droit exige que les grands principes constitutionnels priment sur les manœuvres législatives », tout en critiquant « l’erreur stratégique » de Kamto d’avoir boycotté les élections locales, le privant aujourd’hui d’une base légale solide.
Vers une validation sous conditions ?
Alors que les partisans de Kamto misent sur une interprétation souple de la loi, le régime semble prêt à jouer la carte de l’irrecevabilité. Entre manœuvres juridiques et menaces de tensions sociales, l’élection de 2025 s’annonce comme un test crucial pour la démocratie camerounaise.
Une chose est sûre : si la candidature de Kamto est rejetée, le Cameroun pourrait vivre des heures chaudes. Et comme le souligne Dougueli, « au-delà des lois, c’est le rapport des Camerounais à l’État de droit qui sera jugé. »