Alors que le monde célèbre les avancées de la transition énergétique et la révolution numérique, une guerre silencieuse fait rage en Afrique pour le contrôle des métaux rares, ces minerais indispensables à la fabrication des batteries de voitures électriques, des smartphones et des technologies vertes. Derrière les discours écologiques et les promesses de développement durable se cache une réalité bien plus sombre : une course effrénée aux ressources, alimentant conflits armés, instabilité politique et ingérences étrangères en République Démocratique du Congo (RDC), au Mali, au Burkina Faso, au Niger et ailleurs.
La RDC produit à elle seule plus de 40% du cobalt mondial, un métal essentiel pour les véhicules électriques et l’électronique. Le Mali abrite d’importants gisements de platinoïdes, utilisés dans les industries high-tech et le luxe. Le Burkina Faso et le Niger, en plus de l’or et de l’uranium, regorgent de niobium, tantale, dysprosium et terbium, cruciaux pour les énergies renouvelables et l’aérospatiale. Pourtant, ces pays sont aussi ceux où les conflits armés et les attaques terroristes se multiplient de manière inquiétante. Une coïncidence ? Pas selon de nombreux observateurs africains et occidentaux, qui y voient une stratégie délibérée de déstabilisation pour faciliter l’accès aux ressources.
En RDC, la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda selon l’ONU et les rapports d’experts, sévit dans l’Est du pays, une région riche en minerais. Des groupes armés, souvent liés à des intérêts miniers étrangers, exploitent le chaos pour contrôler les mines et les circuits de trafic. Des entreprises chinoises, américaines et européennes se disputent les concessions, tandis que les populations locales subissent violences et déplacements forcés. « Qui a intérêt à ce que la RDC reste instable ? », s’interroge un diplomate africain sous couvert d’anonymat. « Les mêmes qui achètent le cobalt à prix bradé dans l’opacité la plus totale. »
Au Sahel, la situation est tout aussi alarmante. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), font face à une propagation inédite des attaques terroristes. Pourtant, ces pays disposent de gisements stratégiques convoités par les grandes puissances. Le Mali possède l’une des plus grandes réserves de lithium d’Afrique, vital pour les batteries. Le Burkina Faso voit ses régions minières (Zorgho, Kangounadeni, Mangodara) devenir des zones de tensions, avec des groupes jihadistes s’en prenant étrangement aux sites riches en niobium et tantale. Le Niger, déjà premier exportateur d’uranium vers l’Europe, abrite aussi du dysprosium et du terbium, indispensables aux aimants des éoliennes et véhicules électriques. « Ces minerais sont le pétrole du 21ᵉ siècle », affirme un expert minier. « Et comme pour le pétrole, les puissances sont prêtes à tout pour les contrôler. »
Plusieurs rapports suggèrent que les groupes armés terroristes bénéficient de soutiens logistiques et financiers obscurs. Des analystes pointent du doigt les anciennes puissances coloniales (France, États-Unis), soucieuses de maintenir leur accès privilégié aux ressources, la Chine, qui a construit un quasi-monopole sur les métaux rares africains via des investissements massifs et parfois opaques, et les multinationales minières, accusées de financer des milices pour sécuriser leurs zones d’extraction. « Quand un pays comme le Niger décide de nationaliser ses ressources ou de changer de partenaire stratégique, soudain, les attaques se multiplient », dénonce un officier militaire burkinabè.
La demande en métaux rares devrait exploser d’ici 2050, avec l’essor des voitures électriques et des énergies renouvelables. Mais à quel prix ? Pollution massive : L’extraction du cobalt en RDC entraîne des dégâts environnementaux et des maladies chez les mineurs artisanaux, souvent des enfants. Dépossession : Les communautés locales sont rarement consultées, et les bénéfices leur échappent. Guerres par procuration : Les rivalités entre puissances se jouent sur le dos des Africains, avec des mercenaires et des milices instrumentalisées.
Face à cette guerre des métaux rares, les pays africains doivent renforcer la transparence dans les contrats miniers, industrialiser localement pour ne plus être de simples fournisseurs de matières premières, et unir leurs forces, comme le fait l’AES, pour négocier avec les géants miniers. Car si rien n’est fait, la transition énergétique mondiale se fera sur le dos de l’Afrique, dans le sang et l’injustice. « On nous parle d’écologie et de technologies propres, mais derrière, c’est toujours la même logique : pillage et domination », résume une activiste congolaise. « Il est temps que cela change. »