Alors que le Vatican se prépare à l’ouverture du conclave pour élire le successeur du Pape François, décédé ce lundi, plusieurs noms émergent parmi les papabili. Parmi eux, celui du cardinal Robert Sarah, Guinéen de 79 ans, incarne une voix puissante du conservatisme catholique, défendant une ligne doctrinale ferme sur des questions clivantes comme l’immigration, la liturgie traditionnelle ou la morale familiale.
Un parcours hors norme, de la brousse guinéenne à la Curie romaine
Né en 1945 dans un village animiste de Guinée, Robert Sarah découvre très tôt la foi catholique grâce aux missionnaires spiritains. Son ascension est remarquable : ordonné prêtre à 24 ans, il devient à 34 ans l’un des plus jeunes archevêques du monde, nommé par Jean-Paul II à la tête du diocèse de Conakry. Son courage face à la dictature de Sékou Touré, qui emprisonnait et torturait des religieux, forge sa réputation d’homme intègre et intransigeant.
En 2010, Benoît XVI le crée cardinal, puis le nomme préfet de la Congrégation pour le culte divin (2014-2021), où il promeut la messe en latin ad orientem et dénonce les « dérives » liturgiques post-conciliaires. Proche de Benoît XVI, il incarne aujourd’hui l’aile traditionaliste du Sacré Collège, tout en bénéficiant d’une aura particulière comme seul cardinal africain susceptible de briguer la papauté.
Un conservatisme assumé face aux défis de l’Église
Le cardinal Sarah ne mâche pas ses mots. Ses prises de position en font un polémiste respecté par les conservateurs, mais redouté par les réformistes :
– Sur l’homosexualité : En 2015, il compare l’ »idéologie homosexuelle occidentale » au nazisme, affirmant que l’Afrique doit résister à cette « colonisation morale ». Des propos qui lui valent des accusations d’homophobie, mais galvanisent les traditionalistes.
– Sur l’immigration : Critique féroce de l’accueil massif des migrants en Europe, il y voit un « suicide démographique » de l’Occident chrétien, noyé par l’islam. Une position en rupture avec celle du pape François.
– Sur la liturgie : Partisan du célibat sacerdotal et de la messe en latin, il s’oppose à toute concession, comme l’ordination d’hommes mariés en Amazonie.
Un pape noir ? Les atouts de Sarah pour le conclave
1. L’appel de l’Afrique : L’Église croît rapidement au Sud, tandis qu’elle décline en Europe. Un pape africain symboliserait ce basculement.
2. L’unité des conservateurs : Les cardinaux attachés à la tradition pourraient se rallier à lui, surtout après ses dubia adressés à François en 2023 sur les bénédictions homosexuelles.
3. Un profil pastoral et romain : Expérimenté en Curie et sur le terrain, il combine rigueur doctrinale et connaissance des réalités locales.
Les obstacles
Son âge (79 ans) et sa radicalité pourraient effrayer les modérés. Certains lui reprochent aussi son manque de diplomatie, essentielle pour un pape.
Un pontificat de combat ?
Si Robert Sarah était élu, l’Église s’engagerait dans une restauration conservatrice, avec un focus sur la liturgie traditionnelle, la défense de la famille et un discours anti-mondialiste. Pour ses partisans, il incarne la « résistance » face au relativisme ; pour ses détracteurs, un risque de fracture. Dans un conclave divisé, son élection dépendra de la capacité des traditionalistes à rallier les indécis.
« L’Occident a renié ses racines chrétiennes. Mais un arbre sans racines meurt » – cette phrase résume peut-être le mieux le projet que porterait un pape Sarah. Reste à savoir si les cardinaux sont prêts à ce tournant.