Le 12 avril 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema a été élu président du Gabon avec 90,35 % des voix, mettant officiellement fin à la transition militaire entamée après le coup d’État du 30 août 2023, qui avait chassé Ali Bongo du pouvoir. Porté par une rhétorique de rupture, le nouvel homme fort de Libreville promet la restauration des institutions, la lutte contre la corruption et la relance économique. Mais derrière ces déclarations grandiloquentes, son projet de société semble étonnamment timide, voire complaisant envers les forces économiques qui dominent le Gabon depuis des décennies. À l’heure où plusieurs pays africains, comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, revendiquent une souveraineté farouche face aux anciennes puissances coloniales, le Gabon, sous Oligui Nguema, semble s’enliser dans un statu quo dangereux.
Un pouvoir militaire aux ambitions politiques floues
Ancien commandant de la Garde républicaine, Oligui Nguema incarne la continuité sécuritaire plus que la rupture politique. Son ascension marque certes la fin de la dynastie Bongo, au pouvoir depuis 1967, mais son profil rappelle davantage un réajustement interne qu’une véritable révolution. Contrairement aux putschistes ouest-africains, qui brandissent l’étendard du panafricanisme et de la souveraineté économique, le général-président gabonais reste évasif sur les questions structurelles : accaparement des ressources naturelles, mainmise des multinationales étrangères, diversification économique…
Une économie toujours sous perfusion française
Le Gabon, pays riche en pétrole, manganèse et bois, reste paradoxalement prisonnier d’une économie extravertie. Malgré les discours sur la lutte contre le chômage (36,4 % de la population active), aucune mesure audacieuse n’est proposée pour s’affranchir de la dépendance aux industries extractives. Pire, les multinationales françaises continuent de dominer les secteurs clés :
– TotalEnergies et Perenco contrôlent l’or noir gabonais.
– Eramet exploite le manganèse, essentiel pour les batteries électriques, sans grande valeur ajoutée locale.
– Bolloré Africa Logistics et Colas monopolisent les infrastructures.
– Carrefour et Intermarché dominent la grande distribution, étouffant les commerces locaux.
Cette emprise économique perpétue la Françafrique, ce système néocolonial dénoncé depuis des décennies, mais que le nouveau régime ne semble pas prêt à démanteler.
Un programme politique superficiel
Le projet d’Oligui Nguema se résume à des promesses classiques : lutte contre la corruption, création d’emplois, moralisation de la vie publique. Mais où sont les réformes audacieuses ? Où est la remise en cause des contrats léonins signés avec les multinationales ? Où est la stratégie industrielle pour réduire la dépendance aux matières premières ?
À l’inverse des dirigeants maliens, burkinabés ou nigériens, qui renégocient les accords miniers, expulsent les bases militaires étrangères et promeuvent une diplomatie anti-impérialiste, le Gabon reste dans une logique de soumission économique. Sans une véritable politique souverainiste, les Gabonais risquent de vite déchanter.
Le changement ou l’illusion ?
Brice Clotaire Oligui Nguema a certes mis fin à l’ère Bongo, mais son règne s’annonce-t-il vraiment différent ? Entre militarisation du pouvoir et conservatisme économique, le risque est grand de voir le Gabon reproduire les mêmes schémas qui ont conduit à des décennies de stagnation.
Les Gabonais, qui ont massivement voté pour lui, espéraient une vraie transformation. Mais sans une rupture radicale avec la Françafrique et une réelle volonté de diversification économique, le pays pourrait bien se heurter une nouvelle fois au mur des désillusions.
Et si le Gabon, malgré son nouveau président, restait un éternel élève docile de l’ancienne puissance coloniale ?